La question d’une réforme ou d’un changement de Constitution en République démocratique du Congo (RDC) est au cœur des débats politiques depuis plusieurs semaines. Cette idée, évoquée par le président Félix Tshisekedi lors d’un discours à Kisangani le 23 octobre 2024, continue de diviser la classe politique et de susciter des réactions passionnées.
L’opposition, par la voix d’Olivier Kamitatu, porte-parole de Moïse Katumbi, a exprimé son opposition catégorique, estimant que cette démarche pourrait cacher des intentions de prolongation du pouvoir présidentiel. De l’autre côté, la majorité présidentielle, représentée par Augustin Kabuya, secrétaire général de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), défend la nécessité de revisiter une Constitution qui, selon lui, n’est plus en phase avec les réalités actuelles du pays.
Les arguments de la majorité présidentielle
Lors d’une intervention récente, Augustin Kabuya a expliqué que la Constitution de 2006, adoptée par référendum, avait déjà été modifiée dans le passé, notamment avec le passage de l’élection présidentielle de deux tours à un tour en 2011. Il considère donc qu’une nouvelle réforme ou un changement complet de la loi fondamentale n’est ni inapproprié ni inédit.
« Pourquoi, lorsque le peuple congolais veut réfléchir sur sa propre Constitution, cela suscite-t-il autant de débats ? » s’interroge-t-il. Comparant la situation à d’autres pays comme le Gabon, qui a récemment révisé sa Constitution, il estime que le Congo devrait avoir la liberté de réévaluer ses lois fondamentales.
Toutefois, il a tenu à préciser que l’article 220 de la Constitution, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels, n’est pas encore concerné par les discussions actuelles. Il rejette les accusations selon lesquelles le président Tshisekedi souhaiterait modifier cet article pour briguer un troisième mandat en 2028.
L’opposition dénonce un risque de dérive
Pour l’opposition, cette initiative cache des intentions politiques bien plus profondes. Olivier Kamitatu, représentant de Moïse Katumbi, a dénoncé ce qu’il considère comme une tentative de « coup d’État constitutionnel ». Selon lui, le véritable objectif serait de permettre à Félix Tshisekedi de rester au pouvoir au-delà de 2028, en remettant les « compteurs à zéro » grâce à une nouvelle Constitution.
Cette crainte est alimentée par les divisions au sein de la coalition au pouvoir, où plusieurs personnalités politiques, comme Vital Kamerhe, Modeste Bahati et Jean-Pierre Bemba, ambitionnent de succéder à Félix Tshisekedi. Pour l’opposition, un troisième mandat du président actuel pourrait entraîner des ruptures au sein de l’Union sacrée.
Une réforme entre révision et changement
Le débat sur la réforme constitutionnelle reste ouvert, et deux options sont envisagées : une révision de la Constitution actuelle ou l’adoption d’une nouvelle loi fondamentale. Pour Augustin Kabuya, le peuple doit être au centre de cette décision. « Je préfère que le peuple règle cette affaire », a-t-il déclaré, indiquant qu’un référendum serait la meilleure voie pour trancher cette question, conformément à l’article 218 de la Constitution en vigueur.
Cependant, il rejette les accusations de manœuvres politiques. « Avant de parler sur un sujet, il faut entrer en contact avec la personne concernée. Je fréquente le président, et il ne nous a jamais dit qu’il voulait un troisième mandat », insiste-t-il.
Une polarisation croissante
Alors que la majorité et l’opposition se préparent à mobiliser leurs bases respectives, le débat autour de cette réforme pourrait exacerber les tensions politiques dans un pays déjà marqué par des crises institutionnelles récurrentes.
Pour l’opposition, cette mobilisation est essentielle pour empêcher ce qu’elle considère comme une dérive autoritaire. Pour la majorité, il s’agit avant tout d’un processus démocratique et légal destiné à adapter la Constitution aux défis actuels de la RDC.
Le peuple congolais sera-t-il consulté directement ? Et dans quel cadre cette réforme sera-t-elle mise en œuvre ? Ces questions restent ouvertes, et leur réponse déterminera sans doute l’avenir politique du pays dans les années à venir.