Depuis le début du conflit au Soudan en avril 2023, le Tchad fait face à une arrivée massive de réfugiés soudanais. Ils sont désormais plus de 900 000 à s’être réfugiés dans l’est du pays, principalement dans la province du Ouaddaï. Ces chiffres viennent s’ajouter aux 400 000 réfugiés déjà présents depuis les violences des années 2000. Cette situation pose des défis humanitaires, sociaux et sécuritaires majeurs, alors que la région, déjà fragile, est à bout de souffle.
Une situation humanitaire alarmante
Malgré les 2 milliards d’euros promis par la communauté internationale lors de la conférence de Paris, en avril 2023, une grande partie des fonds n’a pas été débloquée. Les camps de réfugiés, saturés, peinent à répondre aux besoins de base des populations. Les femmes et les enfants, qui représentent 89 % des arrivées, sont particulièrement vulnérables.
Les violences basées sur le genre se multiplient, notamment contre les femmes qui, en quête de bois pour la cuisine, s’aventurent hors des camps et se retrouvent ciblées par des agressions. Ces violences témoignent d’un climat d’insécurité croissant autour des camps de réfugiés, accentué par des tensions avec les populations locales.
Des tensions communautaires croissantes
L’accueil des réfugiés par les Ouaddaïens, historiquement hospitaliers, est mis à rude épreuve. L’arrivée massive des réfugiés a provoqué une hausse des prix des denrées alimentaires et des loyers, alimentant un sentiment de xénophobie naissant. Des agressions sporadiques contre les réfugiés se produisent déjà, et la situation pourrait dégénérer si les conditions continuent de se détériorer.
En outre, les réfugiés soudanais, majoritairement issus de communautés non arabes, fuient les exactions des Forces de Soutien Rapide (FSR), dirigées par le général Mohamed Hamdan Dagalo (Emedti). Ces groupes armés à dominante arabe sont accusés de mener des campagnes de nettoyage ethnique, notamment contre les communautés Massalit à El-Geneina. Ce traumatisme, associé aux tensions préexistantes dans la région, risque d’aggraver les conflits intercommunautaires entre les populations locales et les nouveaux arrivants.
Un contexte géopolitique complexe
La situation est compliquée par des allégations selon lesquelles le Tchad servirait de plateforme logistique aux Émirats arabes unis, qui soutiennent les FSR. Selon un rapport des Nations Unies, des avions cargo atterrissent régulièrement à N’Djamena et Amdjarass, transportant des armes à destination des FSR. Bien que le gouvernement tchadien nie ces accusations, ce partenariat semble avoir été motivé par un prêt de 1,5 milliard de dollars octroyé par les Émirats, une somme représentant 80 % du budget national.
Cette collaboration met le régime tchadien dans une position délicate. Elle exacerbe des tensions internes, notamment au sein de l’armée, où certaines factions soutiennent le camp opposé, celui du général Abdel Fattah al-Burhan. Si les FSR prennent le contrôle stratégique de villes comme El Fasher, les conséquences pourraient être catastrophiques : massacres, vagues de réfugiés supplémentaires et amplification des tensions communautaires au Tchad.
Un appel urgent à l’action
Face à cette crise multidimensionnelle, il est impératif que la communauté internationale honore ses engagements financiers pour éviter une catastrophe humanitaire et soutenir les efforts d’intégration des réfugiés au Tchad. Par ailleurs, les autorités tchadiennes doivent renforcer les mesures de sécurité pour protéger les réfugiés, tout en travaillant à désamorcer les tensions avec les populations locales.
La stabilité du Tchad et de la région dépendra en grande partie de la manière dont cette crise sera gérée dans les mois à venir.