Depuis le 15 avril 2023, la guerre entre les Forces armées soudanaises du général Abdel Fattah al-Burhan et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdan Dagalo (Hemedti) a plongé le Soudan dans une crise humanitaire sans précédent. Avec plus de 11 millions de déplacés internes et 2 millions de réfugiés dans les pays voisins, le conflit a redessiné les contours de la vie au Soudan.
Port-Soudan : une capitale de l’exil
Sur les rives de la mer Rouge, Port-Soudan, épargnée par les combats, s’est transformée en un carrefour d’exil. La ville, autrefois peuplée de 400 000 habitants, compte aujourd’hui près du double. Plus de 250 000 personnes s’entassent dans des bâtiments publics réaménagés en centres d’accueil.
Dans ce chaos, une école abrite un groupe particulier : des artistes déplacés par les combats. Là, entre dortoirs improvisés et coupures d’électricité, peintres, musiciens, cinéastes et acteurs tentent de reconstruire un semblant de vie. Pour ces artistes, l’art devient une arme de survie et de résistance.
L’art comme refuge et moyen de résistance
Mohira, une jeune artiste plasticienne de 27 ans, peint avec ferveur malgré les épreuves. « L’art est la meilleure solution à la guerre. C’est un excellent moyen pour la réconciliation sociale », explique-t-elle.
Amin Akram, professeur de musique ayant fui Khartoum, témoigne de l’enfer vécu dans la capitale : « Nous étions à bout de force. Après un an et demi d’enfer, je voulais revoir la vie. »
D’autres artistes comme Muhaeera Fathi, décoratrice de théâtre, ont été déplacés plusieurs fois avant de trouver refuge à Port-Soudan. « Cette guerre est absurde, elle doit s’arrêter. Au final, c’est une guerre contre les civils », déplore-t-elle, évoquant des scènes de bombardements, de pillages et de violences sexuelles.
Malgré ces traumatismes, les artistes organisent des projections, des concerts et des pièces de théâtre pour redonner espoir aux déplacés. Pour eux, leur art est bien plus qu’un exutoire : c’est un acte politique.
Une arme contre la haine et la propagande
Rabie Youssef, metteur en scène, voit dans l’art un outil essentiel pour combattre la division et la haine. « La guerre nourrit les discours de haine. Alors, nous, artistes, devons jouer notre rôle. Notre art est une arme qui combat la propagande, une arme de résistance. »
Rabie appelle à une négociation pour mettre fin à ce conflit. « Aucune guerre au Soudan ne s’est terminée par les armes. La solution, c’est la négociation. »
L’appel d’une nation meurtrie
Alors que le vacarme de la guerre continue de résonner, les voix d’artistes comme Rabie, Mohira et Muhaeera restent trop souvent noyées dans le silence des puissants. Leurs efforts illustrent une réalité poignante : dans les ténèbres de la guerre, l’art peut devenir une lueur d’espoir et de résilience.
Cependant, l’arrêt des combats dépendra de la volonté des deux généraux à abandonner leur quête de pouvoir au profit d’une paix négociée. En attendant, Port-Soudan demeure un sanctuaire fragile pour des milliers de vies brisées.