Jeudi dernier, le gouvernement tchadien a annoncé sa décision de dénoncer l’accord de défense qui le liait à la France, une démarche qui a pris de court de nombreux observateurs, tant au niveau national qu’international. Cette décision, brutale et inattendue, intervient dans un contexte de tensions croissantes entre N’Djamena et Paris, malgré des efforts récents pour apaiser les relations bilatérales.
Une décision lourde de sens
L’annonce de la dénonciation de l’accord de défense, en vigueur depuis plusieurs décennies, marque un tournant dans les relations historiques entre les deux pays. Pour le Tchad, cet accord constituait une base essentielle pour la coopération militaire et la lutte contre le terrorisme dans la région. Cependant, plusieurs événements récents semblent avoir motivé ce choix, notamment une série de désaccords et de ressentiments accumulés.
Une visite diplomatique sous tension
La décision de dénoncer l’accord a été prise peu de temps après la visite de Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, à N’Djamena. Officiellement, cette visite visait à renforcer la coopération bilatérale et à évaluer les besoins humanitaires dans la région, particulièrement à la frontière avec le Soudan, où des flux importants de réfugiés mettent à rude épreuve les capacités locales.
Cependant, selon des sources proches du gouvernement tchadien, la visite a été perçue comme insuffisamment proactive face aux préoccupations sécuritaires du Tchad. La colère du président Mahamat Idriss Déby serait liée à une attaque jihadiste de grande ampleur menée par Boko Haram contre une base avancée tchadienne dans la région du Lac Tchad en octobre dernier. Le manque de soutien direct et tangible de la France dans cette crise aurait exacerbé le sentiment d’abandon.
Une accumulation de griefs
La relation entre N’Djamena et Paris s’était déjà détériorée ces derniers mois. En septembre, la visite officielle du président Déby en France, bien que marquée par une rencontre avec Emmanuel Macron, avait été ternie par l’ouverture d’enquêtes en France sur les biens mobiliers et immobiliers de la famille Déby. Cette situation, perçue comme une ingérence dans les affaires privées du président tchadien, avait profondément irrité ce dernier.
En outre, les attentes de N’Djamena en matière de soutien militaire semblent de plus en plus divergentes par rapport aux engagements de la France dans la région. Le Tchad, qui joue un rôle clé dans la lutte contre le terrorisme au Sahel et dans la stabilisation régionale, estime que la coopération militaire ne répond plus à ses besoins stratégiques.
Les implications régionales et internationales
La dénonciation de cet accord pourrait avoir des répercussions importantes sur la sécurité dans la région du Sahel, où le Tchad est un acteur central dans la lutte contre les groupes armés. Sans le soutien logistique et militaire français, le pays devra renforcer ses propres capacités ou se tourner vers d’autres partenaires, comme la Russie ou la Chine, qui manifestent un intérêt croissant pour l’Afrique.
De son côté, la France voit sa position en Afrique subsaharienne fragilisée par une série de revers diplomatiques, notamment au Mali, au Burkina Faso et en Centrafrique. La rupture avec le Tchad, traditionnellement un allié stratégique, accentue cette tendance et pose des questions sur l’avenir de la présence française dans la région.
Vers une reconfiguration des alliances
Cette décision tchadienne pourrait marquer un point de bascule dans les dynamiques géopolitiques en Afrique centrale et de l’Ouest. Si le Tchad s’émancipe de l’influence militaire française, cela pourrait ouvrir la voie à de nouveaux partenariats, mais également exposer le pays à des défis sécuritaires accrus.
En attendant, les deux pays devront naviguer dans une phase de réajustement complexe, avec des implications non seulement pour leurs relations bilatérales, mais aussi pour la stabilité régionale et internationale.